Un grand merci à Norbert Mosson, pour le partage de ces documents rares et uniques, je vous invite à découvrir et lire avec attention l'histoire de ce planeur Français: le Brylinski-Wehrle JJ3.
Un sujet de maquette trés original et tentant

 


Plan de l'aile, Cliquez pour Agrandir

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Il y a eu, au moins 4 maquettes de construites: une au 1/14e pour essais de centrage en soufflerie, une au 1/10e pour essais en soufflerie (Mesures Cm, Cx et Cz), une au 1/10 volante et une autre volante à une échelle inconnue.

 


Polaire du réel (cliquez pour agrandir)


 Polaire de la maquette (cliquez pour agrandir)

 


 Verrière en bois lamellé collé, revêtement par panneaux développables vissés

 

Autres Photos de la structure et du vol

 

A la recherche de la 3eme dimension

Par Norbert MOSSON, avec la collaboration de Jacques BRYLINSKI.

 

Dans la décénnie des années trente, le vol sans moteur passait du vol plané au vol à voile. Cette transition put être réalisée grâce à une évolution du matériel proposé par les organismes "officiels" comme l'AVIA, mais aussi parce que des passionnés, souvent dans l'anonymat, s'acharnaient avec peu de moyens à faire progresser leur sport favori. Certains d'entre eux obtenaient même des résultats exceptionnels, relatés par la presse, mais malheureusement bien vite oubliés.

Nous sommes au milieu de l'année 1931. La situation du "vol à voile" en France n'est guère brillante, peu de clubs existent. L' AVIA, sous l'impulsion de Massenet, tente d'insuffler un nouvel élan à ce sport en diffusant notamment les plans d'un planeur école type zögling : L' AVIA  XI  A.

Un garagiste d'Héricourt, bourgade située en Haute-Saône, au pied des Vosges, décide de commander en juillet 1931 la liasse des plans de cet engin. Il s'appelle Jean Wehrlé.Le 22 du même mois, la préfecture de Lure établit le récépissé 367 officialisant la création de l'aéro-club d'Héricourt, ou section de vol sans moteur de l'aéro-club du pays de Montbéliard. La construction du planeur débute dans le garage de M. Wehrlé grâce aux membres de l'association. Le temps passe et, un jour de début 1932, l'AVIA  XI  A sort enfin de l'atelier. Le petit groupe de fanatiques voit enfin le rêve devenir réalité: S'echapper de l'attraction terrestre quelques longues secondes.

Le planeur est aussitôt essayé par Jean Wehrlé et Jacques Brylinski, un jeune membre du club.

Pour Jacques Brylinski, tout a commencé lorsqu'il était étudiant à Paris, à l'ESTP section ingénieur Mécanicien Electricien, vers la fin des années 1920. Très attiré par l'aéronautique, comme beaucoup de jeunes à l'époque, <<je m'inscrivais à l'AVIA puis au CAU (Club Aéronautique Universitaire) fondés par Massenet et Jarlaud. J'étais parmi les 100 premiers membres du club... J'y participais activement à la construction d'un planeur biplace AVIA 20 A, en y faisant l'apprentissage des bois, contreplaqué, ferrures et colle Certus. Un jour, je faisais partie d'un petit groupe convoqué par Nessler au Bourget pour entraînement. Je devrais dire "initiation". On disposait d'un long sandow et de deux planeurs biplans à roulettes permettant d'acquérir la maîtrise du palonnier par un petit roulage en ligne droite sans décoller. Ces biplans étaient très probablement du type construit et piloté par Nessler au premier Congrès Expérimental Français de vol à voile de Combegrasse en 1922 >>. Dès lors, le jeune Brylinski consacre la plupart de ces heures de loisir à l'apprentissage du pilotage sur AVIA 11 A et 20 A à St Cyr ou profite de celles-ci pour se rendre au bureau d'étude de l'AVIA.

En 1929, Jacques Brylinski passe ses vacances scolaires à Thann, en Alsace, et il en profite pour lancer un appel aux jeunes pour la création du Club Aéronautique de Thann. <<Appel entendu notamment par mon amis René Bize que je mettais au courant des méthodes de construction des 11 A>>. "A Thann, une poignée de jeunes gens décidés, réalisaient, avec des moyens de fortune, un planeur d'apprentissage. En l'espace de deux mois, plus de 120 lancers étaient réussis et l'on enregistrait qu'une seule fois un peu de casse" (Vol sans moteur n° 1). Parallèlement aux vols, une prospection sur l'aérologie du secteur est entreprise : "Un remarquable travail sur les possibilités du vol a voile dans les Vosges a été fait par un de leurs membres les plus actifs, M Brylinski." (Vol sans moteur n°1 ). Les vols de démonstration du planeur de Thann ont des répercussions importantes dans le Haut-Rhin, entraînant notamment la création de sections de vol sans moteur à Mulhouse, Colmar et Altkirch.

Vers 1930, <<Je participais avec l'aéro-club de Thann à un meeting de planeurs 11 A sur un petit dôme de la crête des Vosges, à proximité du Hohneck. Les participants étaient lancés au sandow et faisaient un vol plané longeant la pente douce jusqu'au bas du dôme. C'est là que je rencontrais pour la première fois Jean Wehrlé d'Héricourt venu voir le planeur de mon club de Thann et s'informer des plans de l'AVIA et des procédés de construction.>> Les deux hommes ne se perdront pas de vue et, au début de l'année 1932, Jacques Brylinski sera là lorsque le club d'Héricourt procédera au baptême de l'air de son AVIA 11 A.

Ce baptême a lieu en plaine, près d'Héricourt, et au sandow. Malheureusement, pratiquement personne ne sait piloter.L'apprentissage est long, les vols courts et peu nombreux, les casses fréquentes.

Pour lutter contre le découragement, Jean Wehrlé bricole un treuil à partir d'une automobile, à la fin de l'année 1933. Ce treuil permet alors de monter le planeur suffisamment haut pour espérer des vols plus longs, jusqu'à deux minutes par beau temps. Le moral revient, des brevets A sont passés. Il est alors décidé à l'assemblée générale du club d'acheter un deuxième AVIA  XI  A. Celui-ci est acquis à l'aéro-club de Saint-Dié. Le haubanage en corde à piano est rapidement supprimé et est remplacé par quatres mats dont les attaches avec le fuselage sont amorties. Il est surnommé, avec humour, l' "Os".

Grâce au treuil, sept brevets B sont passés en l'année 1934 à la section d'Héricourt, sous l'impulsion de Jacques Brylinski : Les débutants étaient << formés à l'époque sur les 11  A par bonds au treuil, de plus en plus hauts, uniquement par l'instructeur au sol et sans radio non diplômé que j'étais !>>. On organise même des manifestations : "La réunion avait lieu sur le terrain de Laire où les débutants purent effectuer en toute sécurité leurs premiers décollages. Outre le fin travail de M. Auguste Wehrlé et de M. Ribière (Aéro-club d'Héricourt), les spectateurs eurent l'occasion d'apprécier quelques belles lignes droites avec MM. Desmoulin et Girod, et avec G. Baudet de l'école des mécaniciens. Devant le commissaire de l'AVIA, M. Jean Wehrlé saisit l'occasion de passer le brevet A par un beau vol de 50 secondes sur un kilomètre, d'une hauteur de 80 mètres. Le soir, nouveau vol de 28 secondes. De son côté, le moniteur Brylinski accomplit deux descentes de 15 et 18 secondes, clôturant ainsi avec sa sûreté habituelle une brillante journée." (République de l'Est du 4 avril 1934).

Le premier 11  A est alors remis en chantier; un carénage astucieux doit , modestement, améliorer les performances. L'optimisme règne et le planeur prend le surnom de "Pétrel",nom très évocateur de ce que l'on attend de la machine. Malheureusement, même par beau temps, le Pétrel n'arrive pas à dépasser quelques minutes de vol, et la morosité s'installe.

Parallèlement à la vie sur le terrain, quelque chose d'important se passait dans le garage de Jean Wehrlé : La genèse d'un planeur moderne. Jacques Brylinski avait passé un mois à la Banne d'Ordanche en vue du brevet C. Il en revint sans son brevet, mais avec la vision des beaux vols des planeurs de performance.

<<Après quelques années d'activité de l'aéro-club d'Héricourt, construction, réparation, treuil et vols du "saut de puce" aux brevets A et B, et devant les heures de vols accomplies un peu partout, il devenait évident que, pour passer au stade suivant, la construction de planeurs de performance devenait une nécessité absolue. Décision prise à l'assemblée du club. Commençait donc la réalisation d'un 40 P dont j'avais obtenu les plans à Paris. Premiers travaux : Nervures, longerons d'ailes, couple principal de fuselage pour ajuster à l'avance les ferrures démontables.

A ce stade, le couple principal nous apparaissant disproportionné et mal conçu  (Cx, maître couple, ventre rond prétant le flanc à de fréquentes crevaisons par les "parpaings" traînant sur tous les terrains, ainsi qu' "aux vaches".), décision fut prise de redessiner entièrement le fuselage, avec pour base une section en forme de toupie et surface du maître couple réduite.>>. A eux deux, Jean Wehrlé et Jacques Brylinski construisent en trois ans et 4 000 heures de travail un planeur de performance de 38 000 pièces reprenant l'aérodynamique des ailes de l'AVIA 40 P et présentant une finesse de 25 pour une envergure de 15,20 mètres. Ce planeur, ils le nomment JJ  1, en référence à leurs deux prénoms (Jean et Jacques). Le surnom de "Dis-la-juste" lui sera attribué par la suite car <<si tu raconte une histoire, "Dis la juste!">>.

Les essais en vol sont effectués le 15 novembre 1936 par nos deux compères, qui ne sont alors que breveté B. <<La partie était gagnée, démonstrations de vols de pente, de spirales en thermiques, brevet C, etc... Le JJ 1 était classé prototype et obtenait la prime de réalisation, subvention prévue pour cette catégorie. >> (Prime de 6 000 francs).

"Les Ailes" titre : "le "JJ 1" construit par M. Brylinski à Héricourt est un très remarquable planeur de performance." La machine reçoit la consécration lorsque "le 4 avril, M. Nessler, chef pilote de la sous-section de vol sans moteur au ministère de l'air, confirmait les qualités de grande maniabilité de l'appareil en passant de Tarcy au Mont Vaudois distants de 5 kilomètres, en s'accrochant pendant 50 minutes. Le même jour, Brylinski et Wehrlé réalisaient 53 et 47 minutes avec montée maxima à 650 mètres." (Les Ailes, 1937). Ils obtiennent du même coup leur brevet C, homologués respectivement sous les numéros 204 et 205, sur planeur AVIA 40 P Spécial ,qui n'est autre que le JJ 1!

Jacques Brylinski décide alors de concevoir d'autres planeurs : Le JJ 2, planeur d'entraînement de 13,16 mètres d'envergure avec volets de courbure et d'une finesse de 26.5 pour un allongement de 15, et le JJ 4, biplace double-commandes en tandem de performance. Le JJ  2, nécessaire au club, est construit de 1937 à 1939 par un jeune fils de viticulteur, Louis Soeur: Celui-ci, fort de la construction d'un Pou du ciel HM 14 décide de se lancer dans le vol sans moteur et commande au journal "Les Ailes" les plans du planeur Minéo M5. Après consultation à l'aéro-club d'Héricourt, J. Brylinski estime notamment que la solidité de ce planeur pesant 52 kg à vide est très critiquable. Il propose alors à Louis Soeur soit de renforcer le Minéo (la masse passant alors à 70 kg), soit de concevoir un planeur nouveau à partir du Minéo. La deuxième proposition sera retenue. En fait, le JJ 2 ne reprend du Minéo que le principe d'attache des ailes avec une liaison rigide aile-fuselage et des petits mâts en V. Les dimensions sont supérieures à celles du Minéo et la masse à vide est de l'ordre de 125 kg. Il ne sera cependant jamais entoilé, la guerre devenant d'actualité. Il sera stocké monté dans la grange de la maison familiale et y restera jusqu'en...Juillet 1990! Quant au JJ  4, seuls les plans seront établis.

L'histoire ne s'arrête pourtant pas là : Jacques Brylinski participe au concours national de la Banne d'Ordanche du 15 au 22 août 1937 et , <<un jour de vol de pente, par bon vent ou la durée comptait, j'avais sorti mon oiseau le premier et accroché au treuil de remontée des machines sur la crête des départs. Ayant tourné le dos pendant l'attente des mises en route, un concurrent a fait décrocher le JJ 1 pour y placer son 40 P.

En fin de concours, un vent faible et oblique sur la pente avait contraint les 40  P à se poser, cependant que je parvenais à rester en l'air sur un circuit aller-retour sur deux bosses. Aussitôt, un puis deux 40 P se faisaient treuiller pour me rejoindre sur le circuit que j'avais découvert. Malheureusement, au dessus de la première bosse (la plus élevée) le 40 P de Géo André venait se placer à quelques mètres sous mon appareil, m'obligeant, soit à quitter le circuit, soit à ralentir au mieux pour le laisser passer. Tenant à mon avance, j'optais pour cette solution qui me valut de décrocher et m'abattais au sol avec un tour de vrille.>>.

La conception en double caisson de la partie avant du fuselage sauve le pilote, mais le planeur est très endommagé. Jacques Brylinski est néanmoins classé 8ème  sur 10 et, officiellement, toujours avec un AVIA 40 PS ! Jean Wehrlé suggère alors de reconstruire le planeur avec l'aile en position médiane et conduite intérieure. La partie arrière du fuselage, intacte, sera conservée. Naquit ainsi le planeur de performance JJ  3. Des aérofreins seront aussi montés sur l'extrados de l'aile. L'appareil vole et se révèle exceptionnel."Les Ailes" relatent "les beau essais du planeur JJ 3". Pour Jacques Brylinski, le JJ 3 <<volait très bien et même beaucoup mieux que les 40 P de l'époque, au dire de mes vieux amis "officiels" comme Nessler, Spire et Denize.>>

Ce planeur présente une finesse maximum de 26.5 pour un poids à vide de 165 kg et une envergure de 16 m. Sous l'impulsion d'Eric Nessler, il est exposé au XVIe salon de l'aéronautique de 1938,au grand palais: "Au stand du ministère de l'air, trois planeurs; un AVIA biplace 22 E, un AVIA 40 P de performance, et le Brylinski." (L'Air pour les Jeunes no 33)

Cependant, le profil Gö 647 n'est pas parfait; Jacques Brylinski décide d'améliorer la machine et passe un contrat avec Farman pour une construction en série: L'aile est équipée du profil NACA 23012 et les empennages sont remodelés. la finesse devient alors de 29.5 à 70 km/h. Le planeur peut être équipé  de volets de courbure, de water-ballast (au centre de gravité,dans le fuselage), d'un réchauffeur thermique à essence placé au dessus du palonnier et de bouteilles d'oxygène. Deux types sont prévus: Le JJ 3-A avec une aile droite et le JJ 3-M avec une aile "en mouette". L'appareil devait être produit à raison de 21 exemplaires par an pour un prix à l'unité de 43 500 francs. La guerre stoppa net ce splendide projet.

Le 9 octobre 1937, à 13 h, Pierre Massenet déclarait à la radio: "Il nous manque un planeur d'entraînement et un planeur de grande performance pour remplacer le 32 E et le 41 P. Un concours sera ouvert en 1938 dans ce but". Le JJ 2 et le JJ 3 de Wehrlé et Brylinski correspondaient exactement à cet objectif...

A la libération, personne ne se souvient des efforts fournis par Jean Wehrlé et Jacques Brylinski pour faire progresser le vol à voile français et une autre voie sera exploitée par le gouvernement pour relancer les aéro-clubs: Récupérer et utiliser le matériel allemand. La suite est connue plus ou moins bien de tous les vélivoles.

Un seul n'a pas oublié: Le 24 juillet 1953, Jaque Brylinski reçoit sa plus belle récompense: "L'histoire du vol à voile" avec la dédicace suivante: <<A mon cher camarade Brylinski, constructeur, inventeur, pilote et animateur dans le sport du vol à voile, en témoignage de mon amitié>> signé Eric Nessler.

Désormais, lorsque vous volerez, <<Ayez une pensée pour les passionnés, qui après la guerre (la première), à l'époque de l'aviation populaire, cherchaient à tout prix à gagner la liberté d'évoluer dans la troisième dimension!

Ne plus être des "rampants"...

On travaillait dans la joie et l'enthousiasme, dans l'atmosphère du "Sport de l'Air" d'Henri Mignet. J'ai encore son tout premier bouquin : "Si vous savez clouer une caisse, vous pouvez construire votre Pou!".

Et pour moi, on pouvait, de plus, voler sans moteur...

Pensez à cette atmosphère que malheureusement, il devient difficile de recréer...Une pensée aussi pour ceux qui ont payé de leur vie cette libération.>>.(J. Brylinski)

Cet article est dédié à Jean Wehrlé, et à tous ceux qui furent emportés par leur passion du sport de l'air.

Remerciements à Mme J Wehrlé ainsi qu'à M. L.Soeur pour les photographies.
Remerciements aussi à M. C.Visse pour certaines précisions.

 

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