Monographie de Richard Ferrière,
parue dans Modèle Magazine n°353 (Février 1981)

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Fritz Raab est né en 1909 en Haute-Bavière, dès l'école primaire il s'adonne à la pratique du modèle réduit; en 1930 il adhère à un aéro-club au sein duquel il s'initie tant au pilotage des planeurs qu'à leur construction et c'est ainsi qu'en 1931 il réalise un planeur de sa conception : le "Kapitän Hoch". Ses compétences en matière de construction aéronautique légère le conduisent à être affecté pendant la durée de la guerre à l'Etablissement d'Essais des Planeurs du Reichluftministerium. Par la force des choses, il quitte celui-ci en 1945 pour prendre la direction d'une école technique à Münich ; c'est dans ce cadre qu'il entreprend en 1949 l'étude d'un planeur biplace rustique destiné à l'école de début.

Pour Raab la caractéristique essentielle de son planeur tient dans la simplification maximale du travail de construction qui doit pouvoir être réalisé de manière aisée par des amateurs n'ayant pas une grande expérience en la matière: l'important est de pouvoir se remettre à voler au plus tôt ! Afin de ne pas perdre de temps, il s'inspire fortement de la voilure du Grünau Baby, tant au niveau de la géométrie qu'à celui du principe de construction ; bénéficiant ainsi des méthodes de fabrication éprouvées par les amateurs sur les "Baby" construits avant-guerre, Raab s'affranchit également des études mécaniques et aérodynamiques qu'aurait nécessité une voilure de conception nouvelle. En ce qui concerne le fuselage, les impératifs sont quelque peu différents; en effet un biplace école de début est une machine soumise à des contraintes bien spécifiques dues en particulier à l'inexpérience des pilotes dans les phases délicates d'atterrissage et de décollage qui sont sur ce type de machine réalisées à une fréquence très élevée. La structure la mieux adaptée pour cette utilisation est indiscutablement le treillis de tubes d'acier soudés revêtu de toile; caractérisé par sa rigidité, sa facilité de réparation et sa légèreté, ce mode de construction présente cependant l'inconvénient de ne pouvoir être réalisé par des amateurs (la soudure autogène des tubes d'acier de faible épaisseur demandant en effet les compétences d'un spécialiste de ce travail). De ce fait, Raab fut amené à choisir une solution intermédiaire en concevant le fuselage en deux parties distinctes:

- la partie avant de forme ovoïde est réalisée en tube d'acier; elle inclut tous les géhérateurs de contraintes mécaniques : habitacle, attaches d'ailes et de mâts, crochet de remorquage et train d'atterrissage.

- la partie arrière en forme de poutre de faible section est réalisée en bois et ne sert qu'à supporter les empennages. Enfin, toujours dans l'optique de la simplification et de l'économie, une recherche originale dans la conception du poste d'équipage a permis d'éviter au maximum le dédoublement des commandes et de l'instrumentation.

La construction du premier prototype VO (2) fut entreprise durant l'hiver 1949-1950 à l'aéro-club de Dachau près de Münich ; peu après l'accomplissement du premier vol, le 5 août 1951, le Doppelraab fut présenté au premier concours de la Rhön d'après-guerre. Plutôt qu'un concours, la Rhön 1951 fut le rassemblement national des vélivoles allemands enfin autorisés à reprendre la pratique de leur sport favori ; la démonstration du Doppelraab constitua le centre d'intérêt

de cette réunion et fut certainement pour beaucoup dans la réussite commerciale ultérieure de la surprenante machine de Herr Raab.

Le développement fut poursuivi durant l'hiver 1951-1952 par la mise en chantier simultanée de trois prototypes désignés V1, V1a et V2; les deux premiers se caractérisaient par un train d'atterrissage composé d'un petit patin et de deux roues disposées en tandem sous le fuselage, tandis que le V2 possédait un grand patin et une roue unique située au centre de gravité. Ce dernier modèle, qui vola pour la première fois le 28 mars 1952, fut par la suite construit en cinq exemplaires sous la désignation Doppelraab III.

En 1953 apparut le Doppelraab IV qui avec 220 exemplaires construits constituait la principale version, elle se différenciait du modèle précédent par la section du fuselage, qui d'heptagonale devenait hexagonale, et par la forme de la verrière. Le modèle IV fut livré aux aéro-clubs sous forme d'une boîte de construction coûtant 5500 DM et contenant tous les éléments nécessaires à la réalisation y compris la structure en tubes de la partie avant du fuselage, la toile, les colles et enduits de tension. A la fin de 1953, Schempp-Hirth (qui avait réalisé la plupart des parties avant du fuselage contenues dans les kits) entreprit la construction en série de 75 planeurs désignés Doppelraab V ; ceux-ci furent vendus entièrement terminés à des utilisateurs ne souhaitant pas réaliser eux-mêmes la construction.

Afin d'améliorer quelque peu les modestes performances de son planeur, Fritz Raab proposa en 1954 la version VI qui se caractérisait par une envergure de 13,40 m, un allongement porté à 10,25 et une masse maximale augmentée de 62 kg. Dans cette configuration le Doppelraab VI, produit à 40 exemplaires, possédait une finesse de 20 et une vitesse de chute minimale de 0,85 m/sec. Enfin en 1957 apparut le Doppelraab VII produit à 20 exemplaires, il n'était en fait qu'un Doppelraab VI dont la structure du fuselage était réalisée entièrement en tubes d'acier.

 

Le kit du Doppelraab tel qu'il était livré sur la photo, coutait en 1953 7400 DM - Le constructeur du kit était la société Wolf Hirth GmbH - Document issu de la revue Suisse Aero-Revue - avril 1953 (Merci Jean-Marie)


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Description technique: Doppelraab V

Le fuselage est réalisé en deux parties : la partie avant est une structure en tubes d'acier au chrome-molybdène de section hexagonale profilée par des lisses en bois; la partie arrière est une poutre de section triangulaire réalisée au moyen d'un treillis de lisses et de cadres en bois recouvert par entoilage. L'assemblage des deux parties est réalisé par boulonnage au niveau du bord de fuite de l'aile.

Le poste de pilotage, biplace en tandem, présente un aménagement de la place avant usuel pour cette classe d'appareil ; te poste instructeur est disposé, par contre, de façon anormalement surélevée et rapprochée de celui de l'élève afin de permettre au moniteur d'utiliser le manche, la planche de bord, la commande d'aérofreins et la poignée de larguage communs aux deux équipiers. La seule exception relevable à la règle de l'unicité est imputable à la commande de direction du poste arrière qui est constituée par un palonnier agissant en «pédales d'orgues». La verrière entièrement amovible recouvrant les deux postes est constituée par une structure en tubes d'acier de faible section sur laquelle sont vissés des panneaux développables de rhodoïd.

Le train d'atterrissage est constitué d'une roue située au niveau du centre de gravité et d'un patin de frêne amorti par des blocs de caoutchouc. La partie inférieure de l'extrémité arrière du fuselage est protégée par une lame d'acier formant béquille; du fait de la position de la roue, cette béquille n'entre en contact avec le sol que lorsque le poste de pilotage n'est pas occupé.

La géométrie générale et le principe de construction de la voilure du Doppelraab sont fortement inspirés du Grünau Baby. Les différences essentielles portent sur l'allongement qui est réduit à 9 (12,9 sur le Baby), l'emploi d'aérofreins du type DFS ne sortant qu'à l'extrados et l'utilisation d'un profil Gö 550 à l'emplanture évoluant vers un Gö 629 au niveau du saumon.

Les empennages, du type cruciforme, sont composés d'un moignon de dérive entièrement coffré en contreplaqué, sur lequel s'articule une gouverne de direction entoilée dotée d'un bec débordant servant à la compensation aérodynamique et statique ; la profondeur comporte un plan fixe coffré et une gouverne entoilée. Deux petits mâts métalliques réunissant l'extrados du plan fixe à la dérive contribuent à la rigidification de l'ensemble.

 

Qualités de vol:

Le Doppelraab, par ses qualités de vol, témoigne d'une époque où l'aérodynamique des voilures à grand allongement n'avait pas encore résolu le problème des effets secondaires des commandes et en particulier celui du lacet inverse. Ce phénomène, qui apparaît dès le début de la mise en virage, a pour don de dérouter totalement les élèves en école de début et de compliquer à souhait les explications que peut donner l'instructeur sur la conjugaison entre les commandes de direction et de profondeur. La seule solution à ce problème consistait alors, compte tenu des connaissances aérodynamiques de l'époque, en l'adoption d'un allongement modeste. Adoptée pour le Doppelraab, elle eut pour conséquences favorables, outre ce pourquoi elle avait été employée, de faciliter la construction de la voilure et d'augmenter la maniabilité latérale mais elle se paya par un mauvais rendement aérodynamique de l'aile et une diminution importante des performances qui dans le cas présent tombent à un niveau plus que modeste. II faut cependant garder en vue que le Doppelraab était avant tout destiné à l'apprentissage du pilotage de base plutôt qu'à celui, du vol à voile qui à cette époque se faisait le plus souvent de manière autodidacte.

L'installation de l'équipage, quant à elle, favorise incontestablement l'étroitesse des contacts entre l'élève et l'instructeur, elle se révèle cependant très rapidement inconfortable.

 


Album photos


Doppelraab IV
 
Documents issus du livre
Segelflugzeuge Flugzeugtypen Band 1 - Hans Jürgen Fischer
 


Plan 3 vues  - Hans Jürgen Fischer

 

Doppelraab

IV

V

VI

VII

Nombre d'exemplaires

220

75

40

20

Envergure (m)

12,76

12,80

13,40

13,40

Longueur (m)

6,90

6,90

6,90

6,90

Surface (m²)

18

17,50

17,20

17,20

Profil

Gö 550

Gö 550

Gö 550

Gö 550

Dièdre

Allongement

9

9

10,25

10,25

Masse à vide (kg)

185

175

192

210

Masse maXimale (kg)

350

355

412

420

Charge alaire (kg/m²)

19,4

20

24,3

24,4

Vitesse de décrochage (km/h)

45

50

55

55

Vitesse à ne jamais dépasser (km/h)

195

195

195

195

Chute minimale

0,85 m/s à 50km/h

0,90 m/s à 55km/h

0,85 m/s à 60km/h

0,85 m/s à 60km/h

Finesse maximale

18 à 55 km/h

18 à 65 km/h

20 à 65 km/h

20 à 65 km/h

 


Monographie traduite d'après une oeuvre de Martin Simons.

Décrire le Doppelraab comme un bi-place est peut être un mauvais terme. Il transportait 2 personnes, mais l'une d'elle, l'instructeur, était perché sur une selle à l'étroit sous les ailes. L'instructeur accédait au manche en passant au dessus des épaules de l'élève. Le contact entre eux deux était quasiment intime. Les instructions pouvaient être données par chuchotements à l'oreille de l'élève. L'instructeur devait faire preuve d'une grande souplesse pour accéder à bord du planeur. Fritz Raab était persuadé que l'ancienne méthode d'apprentissage en solo ne persisterait pas longtemps. Un planeur bi-place bon marché allait être nécessaire rapidement dès que les vols redemarreraient en Allemagne. Il n'y aurait pas non plus d'usine de production de planeur avant un bon moment, il était donc nécessaire que le Doppelraab puisse être construit rapidement et facilement. Il fallait créer des kits. Des éléments pre-assemblés, notamment concernant la structure métallique soudée, devaient pouvoir être fournis. Les besoins fondamentaux pour cette machine était d'avoir une place pour un instructeur, tout en ayant des performances similaires au Grunau Baby. Les vols solo devaient également être possible quand un éléve était prêt. De cette façon, un nouveau club n'avait besoin que d'un seul planeur. La construction fut réalisée à l'aero club de Dachau près de Munich. Le premier vol du prototype eu lieu le 5 août 1951. Le planeur éveilla un grand intérêt lors des vols de la Wasserkuppe au cours du même mois. Le Doppelraab remplissait complètement les attentes des concepteurs. Les ailes, la queue et l'arriere du fuselage étaient en bois, l'avant était réalisé en tube d'acier léger entoilé. Il y avait une unique roue et un patin a l'avant. Le prototype avait un système d'aéro-frein peu commun. Les haubans pouvaient pivoter de 90° autour de leur axe, présentant ainsi une plus grande surface au vent. Ce système ne s'averra pas très efficace et le mécanisme était assez compliqué. Toutes les autres versions utilisèrent des aero-freins plus conventionnels. Après un an, une douzaine de Doppelraab volaient et 50 autres étaient en construction. Aprés des années passées à survivre en faisant d'autre travaux, Wolf Hirth s'occupa de la production en série du Doppelraab après avoir reconverti son usine à la fabrication de planeurs. Des kits et des planeurs finis furent construits. Diverses améliorations furent faites au cours du temps, le Doppelraab VII fut la dernière version avec une envergure augmentée a 13.4 métres. En incluant quelques machines aux USA on estima à 360 le nombre de Doppleraab ayant volé. Quelques uns d'entre eux ont survécus et participent encore aux rencontres de planeurs anciens.

 

 

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